Nous quittons Bombay, sa chaleur accablante, son air saturé d’humidité et ses arbres majestueux aux branches et aux racines aériennes tentaculaires. Notre convoi se fraie un chemin difficile entre les innombrables rickshaws jaunes et noirs (à Bombay, un véhicule sur deux est un taxi) et nous remontons toute la péninsule sur plusieurs kilomètres pour enfin sortir de la ville en empruntant un sordide pont aérien, saignée à quelques mètres des fenêtres du deuxième ou du troisième étage des immeubles délabrés. Cette solution extrême fut apparemment la seule jugée capable de désengorger cette agglomération de près de 18 millions d’habitants.
Le pont surplombe sur ses derniers kilomètres un immense bidonville de tôle ondulée, amoncellement de sacs plastiques et de déchets, un des plus grands du sud de l’Inde.
Alors qu’en Iran, nous avons parlé politique, en Inde nous parlons religion.
Tout le monde ici a une religion et l’athéisme est une notion très mal comprise. L’Inde cristallise tous les fantasmes religieux et spirituels des occidentaux.
Nous en rencontrerons plusieurs à la recherche d’un gourou ou bien encore complètement investis dans la vie d’un ashram depuis des années. Des ashrams, il y en a des centaines partout en Inde, de plus ou moins bonne réputation comme celui d’Osho à Pune ou de plus anciens comme celui crée par le Mahatma Gandhi dans les années 30 à Sevagram. Bien évidemment, chaque adepte est persuadé d’être dans le meilleur ashram et n’hésite pas à critiquer ouvertement les autres et à les qualifier de sectes. Les Français sont de loin les plus critiques et les plus méfiants peut-être à cause de la chasse aux sorcières qui se déroule depuis des années en France, largement relayée par les médias.
Nous décidons de nous rendre à Pune à 4 heures de route de Bombay, pour nous faire une idée par nous-mêmes et visiter le fameux Osho Meditation Resort, la star des ashrams.
Dès notre arrivée, nous sommes très agréablement surpris. L’ashram se situe dans la banlieue verdoyante de Pune. Les propriétés sont immenses, les parcs bien entretenus et les rues plantées d’arbres majestueux. Un peu plus et on se croirait au Vésinet. Les filles se paient même le luxe d’une petite ballade à vélo.
Partout dans la rue se promènent des adeptes en robe bordeaux l’air parfois un peu ébahi, souvent pressé de retourner à leur méditation mais généralement épanouis. L’ashram est gigantesque, il compose un petit quartier à lui seul.
De part et d’autre des rues se dressent des bâtiments noirs, sobres et élégants gardés par de hauts murs et d’un portail avec gardien filtrant les entrées et les sorties des adeptes tous munis d’un badge électronique. Impossible de jeter un œil et encore moins de se faufiler à l’intérieur. Il ne nous reste plus qu’une solution, payer le très faible droit d’entrée et se joindre à une présentation vidéo suivie d’une visite guidée silencieuse de 10 mns le lendemain. Si nous voulons en savoir plus et expérimenter une des nombreuses techniques de méditation, il nous faudra acquérir un pass de méditation et subir un test VIH obligatoire !
Nous décidons de ne pas brûler les étapes et sommes accueillis le lendemain par un charmant jeune Italien à la mine débonnaire et à l’œil pétillant, bien dans ses baskets qui nous fait découvrir le domaine. Apparemment, la doctrine « du sexe comme chemin vers l’illumination » prônée par le gourou lui convient parfaitement ! Plein d’humour, il qualifie lui-même l’ashram de Club Med(itation). Il faut dire que tout est fait pour le bien- être des résidents, piscine, zennis (tennis zen), sauna, salon de beauté et de massage, librairie…Chacun peu suivre un programme de méditation à la carte et organise sa journée comme bon lui semble. Les prix, pour un standard européen, bien qu’en constante augmentation sont très raisonnables.
Nous sortons frustrés de ne pas pouvoir en savoir un peu plus, avec un des nombreux livres du gourou sous le bras.
Le prolixe gourou a aussi enregistré 5 000 heures de monologue en anglais et 4 000 heures en hindi. Tous les sujets sont abordés et sa force consiste à n’adhérer à aucune religion mais de faire la synthèse de toutes en ne gardant que le meilleur et le plus accessible au commun des mortels. Un habile mélange d’ésotérisme, de mysticisme et de nouvelles techniques de réussite personnelle à l’Américaine.
En tout cas, vu la fréquentation de l’ashram, la recette est efficace.
Nous partons nous réfugier à la montagne à quelques heures de route de là.
Panchgani est une petite bourgade de taille raisonnable où affluent les touristes indiens des grandes villes environnantes pour prendre une bouffée d’air frais le temps d’un week-end. Les hôtels sont nombreux ainsi que les écoles et les pensionnats.
Nous avons du mal à trouver le seul et unique camping à des centaines de kilomètres à la ronde qui nous a été indiqué par un charmant Italien (décidemment !) à Pune. Niché au flanc de la montagne, on y accède par un petit chemin sinueux et pentu avec des tournants en épingle à cheveux qui donneront du fil à retordre à Greg qui conduit le camion. Il faut le mériter ce camping mais c’est un vrai petit paradis. Calme, propre et tranquille. Le propriétaire, André, un Québécois à l’accent chaleureux est marié à une Indienne. Ils vivent ici avec leurs deux, presque trois enfants depuis 9 ans et ne donneraient leur place pour rien au monde. André a troqué sa vie d’entrepreneur très actif au Canada contre une existence plus cool en Inde et ne regrette pas son choix. Alors que nous regrettons que son camping ne soit pas mieux indiqué sur la route et n’apparaisse pas dans notre guide, lui s’en félicite et ne cherche pas la pub.
En effet, à la saison touristique, son camping ne désemplit pas. Lui aussi a ses adeptes, les fidèles parapentistes qui viennent chaque année décoller de ce fabuleux spot surplombant une vallée assez aride mais splendide. Il faut dire que la vue est magnifique. Nous en profitons pleinement depuis notre emplacement et regardons le soleil se coucher tous les soirs au-dessus des montagnes. En bas, dans la vallée résonnent chaque nuit les chants et les battements des tambours des villageois qui fêtent peut-être un mariage alors que plus loin rôdent les panthères noires.
Nous ne nous aventurerons pas aussi loin, terrassés la journée par la chaleur. Mais, nous mettrons à profit ses 15 jours de repos pour bien nous avancer dans le CNED et même prendre de l’avance pour finir l’année scolaire fin mai et ainsi nous dégager 3 mois de vraies vacances.
Les nuits sont fraîches et bien agréables. Pour la première fois depuis notre arrivée en Inde, nous pouvons dormir dans notre camion et notre caravane. Tout le monde est ravi. Nous reprenons nos bonnes petites habitudes.
Les filles sont contentes et reposées. La région et le climat sont propices à la culture des fraises et des framboises. Nous allons les acheter sur le marché à des petits vendeurs qui les présentent en pyramides impeccables et nous les choisissent une à une avec beaucoup de soin. Nous nous régalons. Il faut dire que les fruits sont très bons en Inde. Nous nous faisons des ventrées de mangues, de papayes et d’ananas juteux. Un vrai régal !
Après notre baptême de l’air en montgolfière, nous décidons de faire un baptême de parapente. Le matériel a l’air de bonne qualité et fiable. Greg commence le premier par vent fort. Une bourrasque l’arrache du sol d’un bond brutal et il s’élance dans les airs pas très rassuré. Heureusement, l’énorme sac sur lequel il est assis contient un parachute…au cas où. Au sol, les filles sont surexcitées et trépignent d’impatience en attendant leur tour. Eve ne quitte pas le ciel des yeux et crie « papa » dès qu’elle voit la voile tournoyer dans le ciel. La nuit tombe et Greg atterrit aussi brutalement qu’il a décollé sur un fond de coucher de soleil magnifique. On le sent content mais légèrement ébranlé quand même.
Quant à nous, il faudra attendre le lendemain.
Je suis totalement emballée. L’idée de voir la terre sous un autre angle depuis le ciel me séduit beaucoup d’autant que pour cela, il suffit d’une voile légère, maniable et qui tient dans un sac à dos. Je commence déjà à élaborer pleins de projets en lisant les magazines de parapente d’André.
Enfin arrive le grand jour, Margot et Marie profitent d’une belle journée ensoleillée et calme et apprécient beaucoup leur petite ballade. Ainsi harnachées, elles ressemblent à de gros pingouins engourdis.
Vient enfin mon tour tant attendu. Le décollage se passe sans problème et je commence même à faire quelques photos mais bientôt s’installe sournoisement un mal de cœur insupportable ne me laissant aucun répit. Le mouvement oscillatoire de l’engin aura raison de ma volonté et après avoir salué mollement André alors que nous survolons son camping, je déclare forfait et demande à Vishal, notre pilote, de me redescendre sur la terre ferme. Les enfants m’attendent avec le sourire jusqu’aux oreilles voulant partager les premières impressions de cette expérience fabuleuse avec moi. Elles récupèrent une mère défaite et blême qui se retient de s’allonger de tout son long, là, devant tout le monde à même le sol poussiéreux.
Cette envie de vomir me tiendra encore 4 bonnes heures. Adieu veaux, vaches, cochons et la Terre vue du ciel. Je me console en mettant cette petite défaillance passagère sur le manque en sels minéraux dû à une légère déshydratation, à la chaleur et à l’inexpérience. Promis, je recommence en Nouvelle-Zélande dans de meilleures conditions !
Pour nous remettre de nos émotions, nous nous offrons tous une séance de massages revigorants et thérapeutiques. Tanaji est masseur de père en fils et s’occupe des stars bollywodiennes. Ca promet. Il m’installe sur un drap plus que douteux qui devait être blanc à l’origine, parsemé des poils de l’indien velu m’ayant précédé. Il pose sur moi une serviette dont je préfère ne pas connaître la provenance et commence à m’enduire scrupuleusement d’huile. Je dégouline littéralement et ressemble à une frite.
Le massage est énergique et plutôt efficace. Le mal de dos de Greg disparaît comme par magie. Le moment le plus étonnant et néanmoins le plus agréable est le massage du cuir chevelu, du front et des oreilles. Tanaji sort une espèce de perceuse avec un gros embout rond en caoutchouc. Après m’avoir servi de nouveau une bonne rasade d’huile mais cette fois- ci directement dans mes conduits auditifs, il allume sa machine qui agit comme un petit marteau piqueur miniature et tamponne régulièrement mes oreilles. Contre toute attente, cette vibration est très agréable et s’ensuit un véritable bien-être avec une impression de grand vide dans la tête.
Tout le monde a beaucoup apprécié sauf Eve qui se tortille dans tous les sens et se demande ce que lui veut ce petit indien maigre.
Nous nous décidons enfin à quitter ce petit coin de paradis. André et sa famille resteront une des meilleures expériences de camping pour nous.
Isa
Coucou vous tous !!
Je suis vésigondine et je tiens un blog sur Le Vésinet. Apparemment, avant votre périple, nous étions voisins :) Je me suis permis de "piquer" votre post sur Pune pour le mettre sur mon blog, j'espère que cela ne vous dérange pas ...
Je trouve votre site génial, votre expérience fantastique et je réfléchis fortement à un tour du monde en vous lisant !!
Bonne continuation, Hélène
Rédigé par : Alpiko-Vézigondin' | 27 juin 2007 à 15:23
Bonjour à toute la famille,
Je renoue avec vos aventures indiennes, marquées par la chaleur et l'inconfort des routes;))
Votre organisation a l'air de s'adapter à toutes les situations, meme les plus incongrues! Bravo aux filles et peut etre surtout à vous de poursuivre le CNED avec tant d'assiduité. Les vacances à la clé à Bali seront sans aucun doute bien méritées.
Ne manquez pas le cochon grillé (entier), qui se trouve à coté du marché dans une petite ville proche d'Ubud, meilleur souvenir culinaire de Bali.
Big kiss du fond de la salle d'expo... et une nouvelle fois chapeau bas pour ces moments d'exceptions que vous offrez à vos filles.
Mai-Loan
Rédigé par : Mai-Loan | 12 juin 2007 à 17:13