Fabien et Stéphanie, deux jeunes français en « working-holiday » visa que nous avions rencontrés en Western Australia, nous téléphonent. Ils sont dans une ferme au sud de Brisbane et ramassent des choux de Bruxelles toute la journée.
Ils ont besoin de se changer les idées et nous décidons de nous retrouver à Byron Bay (le temple du surf) pour y passer le week-end.
Les filles piaillent d’impatience pendant les 3 heures de routes qui nous séparent du rendez-vous et les retrouvailles sont chaleureuses.
Nous campons aux abords d’une ferme à quelques kilomètres de l’agitation de la station balnéaire et arrosons notre soirée de champagne français qui accompagne quelques tartines de foie gras venues du pays de Gex.
On ferme les yeux, on entend mugir les vaches dans l’obscurité et nous entamons un voyage dans l’espace-temps qui nous conduit tout droit en France.
Au bout de deux jours, nous en avons assez de la côte et nous décidons d’aller visiter une petite bourgade située à l’intérieur des terres, et qui, paraît-il, est tenue par des hippies.
Nimbim semble perdue au milieu de nulle part au bout d’une route qui trace son sillon dans des forêts vallonnées sublimes.
La ville se résume à une petite artère principale bordée de commerces en tout genre. Jusque-là rien de bien spécial si ce n’est que les échoppes sont particulièrement bariolées et qu’on décèle ça et là des motifs indiens ou quelques peintures psychédéliques.
Mais lorsque l’on commence à déambuler le long des commerces, on se rend compte que l’atmosphère est très particulière.
Tous les magasins, sans exception, vendent de la Marijuana et en vantent la légalisation.
Le primeur, les friperies, le supermarché, tous proposent de l’herbe et tout le nécessaire à joints. Les affiches rivalisent de créativité pour célébrer le dieu cannabis : ici une affiche avec un combi Volkswagen sans âge sur le toit duquel trône un pétard géant, là une publicité pour Mardi Grass (la fête de l’herbe), là encore des affichettes détournées (Thank you for pot smoking). Même la marque de vêtements fétiche Australienne (Billabong) est transformée en Bringabong !
L’ambiance est hallucinante dans les deux sens du terme.
Ça sent le chanvre à pleines narines et les gens ont tous l’air heureux…
Notre groupe s’est disloqué et je cherche en vain Fabien et Stéphanie qui se sont réfugiés dans le seul bar de la ville : le Hemp bar.
Je rentre, et le patron qui doit avoir une cinquantaine d’année, le béret du Che vissé sur le crâne, m’accueille dans un français impeccable : « T’as une tête à fumer du shit, toi ! Tiens, il est maison celui-là ! » en me tendant un joint long comme une baguette chinoise.
Il est arrivé de Saint-Tropez par hasard dans la ville il y a 26 ans et n’a plus quitté l’endroit. À la vue du van et de la caravane recouverts de fleurs, il laisse son échoppe aux mains des clients (mains qui sont de toute façon occupées à rouler) et s’invite pour une visite guidée de notre maison sur roues.
À la question : « Mais comment cela est-il possible ? La police (dont le poste est en plein milieu de la ville) ne dit rien ? », ses yeux se plissent comme pour donner un ton mystérieux à sa réponse : « Secret professionnel… ».
Nous ne percerons jamais le secret de cette ville hors du commun, sorte de territoire hippie toléré dans une société ultra-normée.
Nous reprenons le cours de notre voyage vers notre prochaine destination, la Grande Barrière de corail. Nous n’avons pas envie de conduire sur des longues distances pour rejoindre les points de départ en bateau vers le reef qui se trouve en fait à plusieurs dizaines de kilomètres de la côte. Nous optons donc pour une destination plus facile : Lady Elliot Island.
Ce minuscule caillou de corail situé sur la pointe sud de la Grand Barrière n’est accessible qu’en petit avion depuis le continent.
Un monomoteur de 10 places décolle de Hervey Bay et nous dépose 40 minutes plus tard sur une île grande comme sa piste d’atterrissage (500 mètres à peine). L’approche sur ce petit point isolé dans l’immensité bleutée du Pacifique est tout simplement magique.
D’en haut, on décèle la couronne de corail aux tons turquoise qui entoure un petit rond de verdure assez rase.
La première impression en arrivant est l’odeur insupportable de guano qui se dégage de l’île.
Cette dernière est en effet peuplée par la plus grande colonie d’oiseaux marins d’Australie.
La deuxième impression est que les infrastructures sont très bas de gamme. Le complexe est fait de baraques préfabriquées récupérées dans une mine fermée dans les années 80.
Bref c’est cheap et ça pue.
Pourtant, en quelques heures à peine, la perception de l’île est bien différente et le charme des lieux commence à opérer.
En fin d’après-midi à marée basse, on peut aller, à pied, explorer le récif corallien.
Armés de manches à balais et de cônes en plastique munis d’une lentille en verre, on peut à sa guise, divaguer le long du corail et y observer ses concombres de mer, ses huîtres ou autres étoiles de mer géantes.
Les filles se régalent mais sont tout de même un peu effrayées par les concombres qui projettent des filaments de bave urticante lorsqu’on les triture avec nos bâtons.
Le lendemain c’est en bateau à coque de verre que nous partons découvrir les fonds marins. Le tour en bateau n’est pas intéressant en soi car ce qu’on perçoit à travers les vitres ressemble plus à ce qu’on voit au travers du hublot d’une machine à laver le linge : beaucoup de bulles.
Par contre, dès que l’on chausse son masque et ses palmes, le spectacle est subjuguant.
La mer est calme, la lumière intense et l’on peut observer tranquillement tout ce que la nature a produit de plus coloré.
Le corail est en lui-même assez terne mais les poissons qui l’habitent sont éclatants de couleurs et prennent des formes complètement improbables.
Pendant 2 jours durant notre quotidien sera rythmé par des sorties en snorkelling afin d’aller observer les richesses de cet habitat. Un jour c’est un poisson grand comme Marie qui nous regarde fixement avec ses lèvres hypertrophiées et peu rassurantes, puis c’est une tortue qui nage avec nous pendant quelques instants. Le lendemain c’est une murène géante qui s’enfonce dans la roche et enfin une raie qui essaye de s’ensabler à notre passage.
Margot, Marie et Isa sont complètement accros et nous nous relayons pour nous occuper d’Eve restée sur la plage.
Le soir nous sommes épuisés et nous nous couchons à 8 heures dans nos lits superposés.
Nous retournons sur le continent pour une nuit avant de partir découvrir une autre des merveilles de la région : Fraser Island. C’est la plus grande île de sable du monde et elle contiendrait à elle seule plus de sable que le désert du Sahara. Il faut dire qu’elle mesure 150 km de long sur 30 de large en moyenne et que la couche de sable (formée par les courants marins) est épaisse de plusieurs centaines de mètres voire plus de 1000 mètres par endroits.
Pour découvrir cette étrangeté, pour la première fois depuis le début de notre voyage, nous nous payons un petit voyage organisé d’une journée et nous montons à bord d’un bus 4x4 qui nous trimbalera de 8 heures du matin à 6 heures du soir sur les pistes chaotiques de l’île. En effet, nous avions pensé, à juste titre que notre fourgon aurait un peu de mal à ne pas s’enliser dans le sable mou de l’île.
L’arrivée se fait par barge sur la plage et les camions prennent leur élan pour gravir les dunes de sables qui mènent à la végétation qui recouvre la surface.
Le paysage est préhistorique : des marais dont l’eau est noircie par le tanin, des fougères géantes, des forêts humides et leurs essences précieuses ou encore des lacs acides.
Comme à Uluru (le rocher rouge), il se dégage beaucoup de spiritualité de l’endroit qui était sacré aux yeux des aborigènes.
800 d’entre eux, regroupés en petites communautés s’étaient partagés le territoire de manière harmonieuse et géraient les relations inter-groupes de façon à préserver l’équilibre génétique de leur race. En quelques années, ils ont été décimés par les colons venus explorer l’île à des fins scientifiques puis pour le commerce du bois précieux.
J’ai toujours été très critique à l’égard de la communauté aborigène telle qu’on la perçoit de nos jours dans les villes du Nord de l’Australie. Pour autant l’histoire de ces communautés ravagées par l’esprit destructeur des premiers colons est bouleversante.
Pourquoi a-t-il fallu qu’on aille les déloger de ce petit paradis terrestre pour récolter quelques troncs d’arbres. Le continent n’était-il pas suffisamment grand ?
L’armée américaine a bien failli également y construire une base aérienne, mais le projet a été avorté et depuis 1993 l’île est classée au patrimoine mondial de l’humanité afin d’en préserver sa splendeur.
C’est là que s’achève notre périple de 10 mois en Australie. Nous retournons à Brisbane chez nos amis Martin et Michele qui nous hébergent le temps de finaliser la logistique de notre départ en Nouvelle-Zélande.
Entre le nettoyage du camion et de la caravane avant leur remisage, l’envoi de cartons en France etc… nous passons d’agréables soirées autour du barbecue.
Nous sommes même allés au théâtre voir un spectacle original : un one man show d’une heure qui reprend les trois premiers épisodes de La Guerre des Etoiles en intégralité.
Cette idée démente est celle d’un acteur canadien Charles Ross. Depuis 6 ans, avec l’accord de Georges Lucas, il parcourt le monde pour jouer la trilogie, seul sur scène, en costume sombre, sans effet spéciaux et sans musique !
Il enchaîne les personnages, mime les batailles dans l’espace ou au sol, fait les bruitages des droïdes et surtout met l’accent sur les passages ridicules du film et sur les bien piètres qualités d’acteur de Mark Hamill (Luke Skywalker).
C’est dément.
Margot a à peu près compris de quoi il s’agissait, mais Marie est passée complètement à côté de la performance. Dommage…
Greg
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