Il y a 14 ans, lors de ma petite tournée de 3 mois en Asie du sud est avec mon sac à dos, le Vietnam avait été le pays que j’avais à l’époque préféré. Ça ne faisait que 2 ans que le pays s’était ouvert au tourisme et j’y avais trouvé une réelle authenticité qui m’avait complètement séduite. J’avais donc très envie de le faire découvrir à Greg et aux filles.
Nous décidons de nous consacrer uniquement au nord en commençant par Hanoi, pour aller ensuite à la mythique baie d’Halong puis redescendre sur Hoi An et Hué, ancienne capitale historique.
Nous limitons intentionnellement nos déplacements car je suis assez fatiguée par ma nouvelle grossesse et les filles, elles aussi, traînent un peu les pieds. Il faut dire que nous avons beaucoup de mal à supporter la chaleur et les climats tropicaux ne sont décidément pas notre tasse de thé.
Nous sommes gâtés à Hanoi où la chaleur est pire qu’en Thaïlande ou au Cambodge. Nous entrons dans la saison des pluies, ce qui n’est pas un mal car nous avons droit tous les soirs à une bonne saucée qui rafraîchit momentanément l’atmosphère.
Nous avons la chance d’être logés chez notre amie Aude expatriée au Vietnam pour quelques années. Sa maison, très bien située non loin du quartier historique est un véritable paradis de confort et de tranquillité. Comme beaucoup de maisons neuves vietnamiennes, elle a la forme d’un sucre, étroite et très haute. Nous avons 4 étages pour nous tous seuls avec air conditionné et tout le confort moderne.
Comme après quelques mois passés en Inde, nous sommes assez fatigués de notre périple en sac à dos dans la région. Après 1 an passé dans les grandes étendues reculées et désertiques d’Australie et de Nouvelle-Zélande, nous avons beaucoup de mal à supporter le bruit, la pollution, le climat et la surpopulation asiatique. Il nous est difficile de voyager sans notre camion et notre caravane.
Pour des voyageurs au long cours comme nous, il faut bien comprendre qu’il est difficile d’être à fond et enthousiaste en permanence et que comme en musique, nous avons besoin de pauses pour pouvoir continuer à apprécier notre voyage. C’est pourquoi nous apprécions d’autant l’acceuil chaleureux d’Aude et nous considérons sa maison plus comme un refuge que comme une base pour visiter les alentours.
L’état d’esprit au Vietnam a changé depuis ma dernière visite et je suis étonnée par le côté mercantile des habitants. Contrairement aux autres pays d’Asie, nous sommes parfois mal accueillis, les Vietnamiens sont fiers et parfois mêmes arrogants. Nous ne retrouvons pas l’ambiance bon enfant du marchandage en Thaïlande par exemple. Les commerçants se ferment, refusent le dialogue et il faut une bonne dose de patience à Grégory pour reprendre les négociations. Ici le dollar règne en maître et toutes les petites arnaques sont permises. Les taxis trafiquent leurs compteurs, il faut toujours recompter à deux fois sa monnaie et nous avons l’impression de ne jamais pouvoir faire confiance à personne.
Par contre, la vieille ville d’Hanoi reste aussi belle et raffinée que dans mon souvenir. Toute la vie s’organise autour du grand lac central de Hoan Kiem réputé pour abriter des tortues géantes de 2 m de long qui portent chance à qui les aperçoit. Légende ou pas, on est resté des heures à scruter la surface du lac et on n’a rien vu. On a dû se contenter de celle empaillée, et d’ailleurs très laide, du Temple de la montagne de jade sur la petite île centrale.
Les bâtiments coloniaux, d’ailleurs pas mal restaurés, donnent tout le charme à la ville (non, non, ce n’est pas que du chauvinisme…) ainsi que les grandes avenues plantées d’arbres majestueux. De beaux immeubles sont transformés en galeries d’art, d’autres en restaurants et les plus grands, tous peints en jaune safran, sont réservés à l’administration. Du matin jusqu’au soir, tout grouille d’activité, les commerçants sont à touche-touche et les rues sont nommées selon les artisans qui jadis y travaillaient : la rue de la Soie, la rue des forgerons, des vendeurs d’épices… Maintenant, on trouve de jolies boutiques d’artisanat aux techniques traditionnelles mais remises au goût du jour par de nombreux designers français et étrangers. Difficile de ne pas se laisser tenter car tout est beau et raffiné. On craque pour des objets en laque, des peintures, de la vaisselle…
Se balader dans un simple petit marché est tout aussi dépaysant. On découvre pour la première fois les boucheries de chiens, met soi-disant très recherché et délicat que nous ne goûterons pas (enfin, pas à notre connaissance !). Tous les sens sont en alerte et même en faisant ses courses, il faut rester sur ses gardes car les Vietnamiens ont la mauvaise habitude de circuler à fond sur leurs scooters dans les petites allées du marché qui se transforme en un immense « drive-in » façon Mac Donald avec les coups de klaxon intempestif en plus. Ils ne descendent même pas, ni ne coupent leur moteur pour acheter leurs provisions. On est loin de l’agréable balade du dimanche matin dans un petit marché de banlieue en France. Ça gâche un peu l’exotisme…
Nous visitons bien sûr, le très connu Temple de la Littérature, première université du Vietnam en l’an 1000 où tous les sages et moines bouddhistes venaient étudier et s’enrichir de l’enseignement de Confucius. En général nous avons été assez déçus par l’architecture des temples et autres bâtiments religieux du Vietnam, beaucoup moins riches et impressionnants que ceux de leurs voisins thaïlandais par exemple et bien sûr khmers.
Dès notre arrivée, nous retrouvons nos amis français Eve et Benoît avec leurs deux petites filles qui sont venus spécialement d’Hong Kong où ils habitent actuellement pour passer quelques jours avec nous. Eve (la nôtre) est contente d’avoir des copines de son âge.
Après quelques jours passés à Hanoi, nous partons pour la fameuse baie d’Halong. C’est notre amie Eve qui a organisé tout le circuit et c’est royal. Un bus pour 30 personnes vient nous chercher le matin (nous ne sommes que 9 avec les enfants, ce qui nous laisse beaucoup, beaucoup de place), nous voyageons agréablement pendant 3 petites heures et embarquons pour le déjeuner à bord d’une jonque entièrement réservée pour nous. Nous avons chacun une cabine car nous passons une nuit à bord. Alors que nous déjeunons royalement de fruits de mer, plats traditionnels vietnamiens et autres crabes grillés, notre bateau sillonne la baie. Une patte de crabe encore dans la bouche, nous avons à peine le temps de saisir nos appareils photos pour mitrailler ce paysage magnifique. Nous dépassons des villages flottants, des petites barques de pêcheurs où vivent des familles entières, des pics rocheux recouverts de végétation. C’est beau, calme et reposant. Nous avons de la chance, il fait beau. Nous arrêtons visiter une grotte puis sur une petite île avec une plage de sable fin où les filles se baignent et se font piquer par les méduses. Il ne pleut pas ce jour-là par contre, c’est la pleine saison touristique. Nous avons l’impression de suivre une autoroute de jonques identiques à la nôtre et il y a même des embouteillages pour s’amarrer aux pontons près des lieux touristiques. Malgré tout ce monde, la baie reste assez fascinante surtout le soir au coucher du soleil quand nous jetons l’ancre pour la nuit au milieu de nulle part avec les lumières de quelques bateaux autour de nous et le ciel étoilé au-dessus de nos têtes. Le meilleur moment reste le petit apéro au Champagne sur le pont supérieur quand tous les enfants sont couchés et que nous pouvons savourer la tranquillité de la nuit.
Le lendemain matin, nous retournons doucement au port en traversant la baie cette fois noyée dans la brume. L’atmosphère est mystérieuse et les montagnes se dessinent à peine au loin.
Eve et Benoît nous quittent pour retourner à Hong Kong et nous retrouvons notre petit confort de la maison d’Aude à Hanoi. Nous faisons connaissance de la charmante Ien, cuisinière et femme de ménage d’Aude qui nous surprend par ses manières élégantes, sa gentillesse et sa maîtrise parfaite de l’anglais. On dirait une petite poupée de porcelaine, raffinée et coquette qui arbore toujours de jolis chapeaux dignes de la reine d’Angleterre. Elle a plus des allures de James Bond girl aux services des renseignements vietnamiens qu’à une simple femme de ménage. Quoi qu’il en soit, elle est charmante et s’occupe très gentiment des filles pendant que Greg et moi, nous nous octroyons deux après midis en amoureux, les premiers en deux ans.
Aude qui est débordée avec son travail à l’AFP nous consacre deux soirées fort agréables où nous échangeons nos impressions sur l’Asie comme des vieux expatriés.
Nous décidons de nous rendre dans la ville de Hoi An qui se trouve au bord de la mer vers le centre du Vietnam. C’est un ancien port commercial qui a gardé tout son cachet et qui grâce à ses jolies maisons coloniales à forte influence portugaise a été déclaré patrimoine mondial de l’humanité. Nous sillonnons en une après-midi toutes les petites rues. Il y a une belle unité entre toutes les maisons d’un seul étage avec les incontournables magasins pour touristes au rez-de-chaussée. Les vélos pousse-pousse traditionnels ont remplacé les scooters et nous goûtons le calme. C’est joli et bien restauré mais ça fait un peu trop carte postale à notre goût.
Nous nous terrons dans nos chambres d’hôtel tellement la chaleur est écrasante et sortons vers 17h pour nous rendre à la plage qui est magnifique, bordée d’une langue de cocotiers à quelques mètres seulement de notre hôtel. Le sable est blanc et étonnement propre et la mer de Chine est splendide. C’est le soir que l’activité bat son plein, des dizaines de petits cuisiniers jettent quelques nappes de paille tressée sur le sable, chacune éclairée par une lampe à pétrole et nous pouvons déguster, assis en tailleur dans la semi obscurité, tous les fruits de mer possibles et imaginables. Nous faisons des ventrées de crabes grillés (et non pas bouillis ce qui fait toute la différence). Des dizaines de petites lumières brillent dans toutes les directions et nous distinguons quelques silhouettes dans la nuit toute autour de nous. Tout le monde parle vietnamien et nous devons être les seuls touristes. L’ambiance est extraordinaire et nous n’avons jamais connu ça ailleurs dans le monde.
Notre hôtel n’est pas mal et les chambres sont confortables. Hélas, elles donnent sur la rue et nous sommes réveillés tous les matins vers 5h par une sorte de long monologue incompréhensible vomi par des hauts parleurs placés juste en face de nos chambres. Aucun de nous n’a jamais eu le courage de se lever pour aller voir ce que c’était donc le mystère reste entier sur le contenu du message qui est soit l’appel lancinant du marchand de glaces soit un long discours de propagande communiste. À notre sortie de l’hôtel quelques heures plus tard, il ne reste plus trace de rien.
Nous partons sur la ville de Hué en bus « spécial touristes » qui met quand même 5 h pour faire les 150 km qui séparent les deux villes. Soit nous roulons à deux à l’heure pour attendre d’hypothétiques livreurs qui viennent déposer ou chercher de gros colis transportés aux frais de la compagnie soit nous nous arrêtons tous les kilomètres pour prendre des voyageurs vietnamiens ou en déposer d’autres parfois devant chez eux, parfois en rase campagne. Je plains les pauvres touristes qui remontent jusqu’à Hanoi quelque mille kilomètres plus au nord. Le cauchemar !!
L’hôtel 3 étoiles de Hué vaut le détour. C’est un véritable labyrinthe de béton en forme de U dans le plus pur style soviétique. Les couloirs sont assez larges pour faire passer un tracteur, les chambres sont gigantesques avec 3,5 m au moins de hauteur sous plafond et une déco dans les marrons kakis du plus bel effet. On trouve ça plutôt marrant. La piscine par contre n’est pas mal et fait la joie des enfants.
La vieille citadelle qui est entourée d’un rempart à la Vauban de 10 km de côté, est elle aussi classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Elle date du début du XIXe siècle et ne casse pas trois pattes à un canard à moins que ce soit nous qui commencions à être blasés. Nous en faisons le tour en une après-midi. Le lendemain nous visitons quelques temples eux aussi du XIXe et XXe siècles qui, eux aussi, nous déçoivent par leur manque de caractère.
On remonte à Hanoi en avion, un peu dépités par les villes historiques mais emballés par l’atmosphère des plages. Lors de mon premier voyage, j’avais été emballée par le Vietnam et très déçue par la Thaïlande alors qu’aujourd’hui, 14 ans plus tard, c’est l’inverse qui se produit. La Thaïlande s’est énormément modernisée et on y voyage en toute confiance alors que le Vietnam, encore peu habitué aux touristes, se laisse corrompre et n’hésite pas à épuiser la poule aux œufs d’or.
Nous quittons le Vietnam pour aller rejoindre nos amis Eve et Benoît qui nous invitent chez eux à Hong Kong pour une semaine.
Isa
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