Après le court séjour à Qom, nous laissons les mollahs et leurs épouses toutes de noir vêtues, pour une ville plus au sud : Kashan.
Kashan est souvent oubliée des voyageurs, pourtant c’est l’une de nos étapes les plus agréables en Iran. La ville est petite et contraste largement avec Téhéran. Plus d’embouteillage, plus de bruit, plus de pollution, l’architecture est harmonieuse et les gens décontractés.
Nous croisons un sexagénaire qui nous propose de nous offrir l’eau et l’électricité devant chez lui. Il habite une banlieue proche du centre ville où toutes les maisons sont surdimensionnées.
C’est une sorte de Santa Barbara au milieu d’un désert face aux montagnes enneigées.
Pendant quatre jours, nous serons l’attraction du voisinage et nous aurons l’occasion de rendre visite à chacun des habitants qui rivaliseront de propositions pour nous avoir à dîner ou déjeuner.
Nous sommes obligés de refuser mais parfois la pression est trop grande.
Lorsque nous pénétrons dans l’intérieur des maisons ostentatoires, le spectacle est total : des réceptions grandes comme des gymnases, des meubles dorés à faire pâlir d’envie Louis XIV, des cuisinières-piano revêtues de papier aluminium pour les protéger des projections de graisse et parfois même des machines à laver le linge recouvertes d’un joli molleton rose découpé pour accéder au hublot et aux boutons !
Toute la décoration est bien sûr mise en valeur par une kyrielle de néons qui vous force à plisser les yeux pour ne pas être éblouis.
Comme toujours en Iran, l’écran plat démesuré trône au milieu du living-room et projette 24 heures sur 24 les images des chaînes satellites qui sont, bien sûr, interdites.
Parfois même, on nous sert un vin local vendu sous le tchador.
On parle politique, et là encore, tout le monde critique le régime et ne vote plus. En effet, la plupart des gens éduqués et aisés que nous avons rencontrés ont renoncé à utiliser les urnes puisque le système est verrouillé et qu’on leur demande de choisir entre le mauvais et le pire.
A Kashan, nous visiterons les maisons historiques qui sont très bien rénovées. Ce sont les anciennes demeures des riches marchands d’art ou d’étoffe du XIXème siècle. Superbe. Des jardins, des cours, des hammams, des caves, des pièces, encore des pièces. Les murs sont revêtus de fresques, les pierres et les huisseries sont sculptées comme de la dentelle et parfois même incrustées de petites glaces biseautées du plus bel effet.
L’art iranien nous apparaît beaucoup plus fin que ce que nous avons vu jusqu’alors en Turquie.
Cap vers le sud, nous gagnons Isfahan (avec un p en français à la place du f – je ne vois pas pourquoi mais bon). C’est une ville extraordinaire par sa richesse en monuments. Notre base sera le Daghi Garden, grand parc municipal où sont logés gratuitement les touristes itinérants qui ne vont pas à l’hôtel.
Tous les jours notre réveil se fait dans la brume matinale au travers de laquelle nous apercevons furtivement quelques jeunes iraniennes en tchador faire leur jogging quotidien ou utiliser les ateliers de fitness mis à leur disposition.
Franchement, l’ambiance est surréaliste mais on ne s’en lasse pas.
La ville nous séduit dès le premier jour et nous faisons la rencontre de Hamed, jeune iranien expatrié en Ukraine qui profite de ses vacances pour s’occuper de nous.
Un vrai bonheur. Pour une fois, nous nous laissons guider. Nous choisissons les endroits qui nous plaisent et Hamed nous concocte un programme sur mesure et nous fait découvrir des tea-gardens ou autres restaurants que nous n’aurions jamais trouvés seuls.
On se laisse porter pendant 4 jours durant et profitons de la qualité de l’artisanat local pour faire quelques emplettes : vaisselle en cuivre émaillé et miniatures sur os de chameau.
Nous quittons la ville sous la neige, ce qui paraît-il est très rare (on s’en serait bien passé).
Après Isfahan, c’est Persépolis qui nous éblouit. Nous avons la chance d’y être sous un grand ciel bleu et nous décidons de visiter la cité à deux reprises tellement le site est riche.
Isabelle et les grandes se régalent de croquis et je déambule avec Eve au milieu des pierres sculptées.
Dès notre plus jeune âge nous sommes habitués à découvrir les vestiges de l’Egypte ancienne, de la Grèce ou bien de l’Empire Romain. La civilisation Perse m’était inconnue et l’effet de surprise ajouta à la beauté du lieu.
Shiraz, tout proche, ne nous laissera pas un souvenir impérissable, il y a fait froid et beaucoup plu.
Nous n’avons presque rien visité mis à part le bazar. En fait, le mauvais temps nous pèse et nous voyons combien le mois écoulé sous la neige et sous la pluie commence à couper notre appétit de découverte. Nous sommes fatigués et avons hâte de retrouver le soleil.
Les filles sont adorables et ne se plaignent pas un seul instant des conditions difficiles que nous traversons depuis plusieurs semaines.
A défaut de visite on essaye de rattraper le retard que nous avons accumulé sur le CNED mais l’efficacité n’est pas là.
Outre l’essence qui est donnée en Iran, ce pays ne jouit d’aucune règle sur le copyright.
C’est donc avec plaisir que j’achète la dernière version de Windows (dans son emballage) pour 1€.
Pour les CD vidéo c’est un peu plus dur car ils sont généralement doublés en farsi. Dommage…
Notre dernière étape en Iran est Bandar-e-Abbas, le Cherbourg iranien. La ville n’a aucun intérêt mais c’est de là que nous prendrons le car-ferry vers les Emirats.
Nous avons en effet décidé de ne pas passer à travers le Béloutchistan, région peu sûre qui s’étend de l’est de l’Iran à l’ouest du Pakistan. Outre l’épisode des pirates de la route entre Tabriz et Téhéran qui nous a quelque peu refroidis, nous voulons retrouver un peu de modernité et surtout du beau temps.
Arrivés en avance sur notre calendrier à Bandar-e-Abbas, nous faisons route pendant une heure vers l’est et atterrissons à Minab. Descendus du plateau iranien, nous arrivons au niveau de la mer dans une ambiance qui nous annonce les prémices de l’Afrique : palmiers, 30 degrés en plein hiver, traits négroïdes. La ville n’a aucun intérêt touristique mais c’est là que nous aurons notre plus beau souvenir de l’Iran.
Nous arrivons le jour du marché où tous les paysans alentours viennent vendre leurs denrées.
L’ambiance est incroyable. Les ruelles grouillent de marchandes de différents villages (le commerce semble être l’apanage des femmes).
Ici, une femme se cure les pieds avec un couteau de boucher sur son étalage à même le sol, là un poissonnier fait tomber ses cendres dans les entrailles sanguinolentes de ses poissons, là-bas des femmes réajustent leurs burkas.
Il y a deux écoles : celle des burkas en cuir noir et celle des burkas colorées brodées avec un pli proéminant à l’endroit du nez. Il faut avouer que toutes ces paires d’yeux, seules parties visibles de l’anatomie des femmes, sont assez impressionnantes.
Marie, à juste titre, nous demande comment les femmes arrivent à se reconnaître entre elles derrière leur masque. Nous n’avons pas la réponse.
Le bateau pour les Emirats de l’autre côté du Golfe Persique nous attend sur le quai.
Nous y embarquons après de nombreuses heures passées aux douanes, 18 interlocuteurs, 10 papiers et autant de signatures !
L’Iran, malgré ses difficultés intrinsèques et la rigueur de son climat hivernal aura été le pays des rencontres chaleureuses et marquera profondément notre perception de l’Islam.
Greg
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