Nous laissons Goa, ses plages de sable blanc et sa nonchalance, pour partir dans l’enfer de Bombai.
Un bus de nuit avale les 650 km de route de côte qui nous séparent de Bombai en 12 heures.
Piètre moyenne sur une route pourtant réputée bonne.
Le bus est assez moderne mais les couchettes n’ont sans doute jamais été nettoyées depuis leur mise en service. Pas de drap, pas d’oreiller, pas de couverture, la clim à fond. Isa, dégoutée, plonge dans la soute à bagage pour y chercher quelques serviettes de bain et autres paréos qui feront l’affaire.
Nous occupons les couchettes à l’arrière du bus, sur l’essieu et le moteur. Bref, une nuit agitée et bruyante qui nous achemine, flapis, à Bombai.
Nous arrivons dans notre hôtel de Colaba, quartier touristique la ville. Il est ancien mais propre et surtout très calme ce qui paraît improbable compte tenu de la densité de population qui règne dans la ville.
Je ne le sais pas encore, mais je vais passer les jours qui suivent à m’occuper des formalités de dédouanement.
Un premier contact avec l’armateur du bateau qui a convoyé notre fourgon me permet de découvrir le quartier de Church Gate à 10 minutes de taxis de notre hôtel. Sur les conseils du transporteur, je m’acquitte de 25 roupies pour une course qui le matin même m’avait coûtée 230 roupies à la sortie du bus (1 euro = 56 roupies). Il faut savoir apprendre vite en Inde mais on se fait toujours avoir à un moment ou un autre.
Puis je passe l’après-midi à arpenter les quartiers sud de Bombai à la recherche du broker qui m’aidera à passer les douanes.
Après beaucoup de marche à pied le long des bidonvilles, je trouve enfin la perle rare.
Perdu dans un bazar, au premier étage d’un immeuble délabré (ils le sont tous de toute façon), une sorte de bureau couloir où est entassée une vingtaine de personnes m’accueille.
Le patron est tout fier de me dire que sa société familiale a été fondée en 1925 et qu’il s’occupe de l’importation des voitures pour 80% des consulats de la ville.
Qu’importe les locaux, je suis entre de bonnes mains.
Escorté par mon broker, j’arrive à l’entrée du port de Bombai. Ca grouille de monde, les gens se marchent dessus et je dois jouer des coudes pour me présenter devant l’officier de sécurité qui prend ma photo pour m’éditer mon badge d’accès. Quel contraste : du numérique dans un décor post-colonial miteux.
Un billet de 10 roupies circule des mains du broker à la poche de l’officier. Je m’en étonne mais ne demande rien.
Pendant deux jours ce sera mon univers. Des bâtiments gigantesques, véritables labyrinthes sans aucun fléchage, des bureaux vétustes voire insalubres où règne une inactivité totale, des musaraignes qui rampent le long des murs fissurés, des bakchichs et des ordinateurs sans âge qui ont pourtant l’air de fonctionner.
La procédure n’est pas bien différente de celles que j’ai pu suivre dans les autres ports, mais en Inde la difficulté réside dans l’éclatement des tâches et le besoin de tout concentrer in fine vers la hiérarchie.
Quotidiennement, je dois perdre 10 litres d’eau dans cet enfer.
Dans l’entrepôt qui sert de bureau à l’officier des douanes, je suis assis un bon moment dans un canapé curieusement assez confortable. Devant moi des mètres de rayonnage en bois plient sous le poids des archives jaunies qui s’agitent sous les pales des ventilateurs.
Un portait de Ganesh est accroché sur un de piliers de l’édifice et un employé vouté entame un rituel qui durera plus d’une heure. Il décroche, raccroche, réajuste, époussette le cadre pendant de longues minutes. Satisfait du résultat, il l’entoure d’un collier de fleurs fraîches et y pic un bâton d’encens qu’il allume. Enfin, il part et revient après un bon moment avec une boîte de gâteaux. Le premier sera pour Ganesh, les autres pour les employés des douanes, le dernier pour moi. J’ai faim, je le dévore.
En arrivant dans les locaux, j’avais remarqué la présence de dizaines de chats et m’étais demandé ce qu’ils pouvaient bien faire là. En voyant les douaniers leur donner les restes de leur repas et les archives grignotées, j’ai compris qu’ils étaient en fait employés par l’administration pour chasser les souris et autres rats qui doivent pulluler sur le port.
Au début, les scènes qui s’offrent à moi m’amusent et je ne vois pas le temps défiler. Mais au bout du deuxième jour, ma patience commence à s’émousser.
Le broker pratique cela depuis 25 ans et me ramène à la raison plus d’une fois. Je vois tout de même ses nerfs au bord de l’explosion lorsque nous sommes contraints d’attendre que le chef des douanes ait fini de déjeuner. Tout est en règle, nous n’attendons plus que sa signature mais ce dernier est très curieux de voir le camion et la caravane.
Manque de bol, il fête à huis clos le départ à la retraite d’un des ses collaborateurs et leurs agapes durent des heures !
C’est hallucinant, le type a à peine 40 ans et tous les douaniers sont au garde à vous devant lui. La plupart baissent même les yeux quand ils lui parlent. Question de caste je suppose…
Bollywood.
Les deux jours passés aux douanes et les quelques kilomètres de conduite entre le port et l’hôtel m’ont laissé sans énergie. La nuit venue, je déambule sur Colaba road le long des centaines de petites échoppes qui vendent des t-shirts et autres articles pour touristes lorsque je suis accosté par un jeune indien qui me propose de tourner le lendemain dans un film pour Bollywood. L’idée m’amuse et j’accepte.
Le soir même je me rends sur le lieu du tournage avec Marie et Margot afin de voir si le plan n’est pas foireux. Le tournage a lieu dans la Bombay University qui est un bâtiment assez imposant de la fin du XIXème siècle. Décor parfait pour un film historique retraçant la vie d’un chef de guerre indien capturé et jugé par les anglais lors de la guerre d’indépendance.
Je vais jouer le rôle d’un officier judiciaire anglais qui assiste au procès.
Nous arrivons pendant une scène de pluie et des dizaines de petits techniciens bataillent avec les lances à incendie pour créer un mur d’eau le long des bâtiments. L’ambiance est géniale et je confirme ma présence le lendemain.
Lever à 6h45, je rejoins le directeur de casting sur Colaba road et joue les rabatteurs pendant une heure (il était à la recherche d’une femme européenne d’une quarantaine d’année pour le jour même !).
A 9 heures, nous arrivons sur le tournage et immédiatement je suis affublé d’un costume noir trop petit, de chaussures trop rigides et d’un nœud papillon qui m’oppresse. Je ne ressemble à rien et je réalise que la journée va être chaude et longue.
Les scènes s’enchaînent dans un ballet incessant de techniciens et de figurants venus de tous horizons. Parmi eux je lie connaissance avec un allemand qui, venu en touriste, vit de figuration depuis plus d’un an en Inde. Les autres extras sont plutôt comme moi venus pour un jour.
Au bout de 10 heures d’attente interminable, on vient me chercher et me voilà sous les projecteurs. Il fait 40 degrés, je suis assis aux côtés de l’avocat général et de l’avocat de l’accusé qui surjouent des scènes en hindi auxquelles je ne comprends rien. Au gré des « Roll the camera ! », « Action ! » et « Cut ! », les scènes se font toutes en une prise ce qui en dit long sur la qualité finale du film.
Plus le temps passe plus la caméra se rapproche de moi et je ne ressens toujours pas les frissons du tournage que décrivent les acteurs. Une chose est sûre, je n’ai pas raté ma vocation.
Entre deux scènes je discute avec le producteur et l’acteur principal. L’acteur a un charisme bien à lui mais il est assez pompeux et beugle « Make-up ! » toutes les deux minutes pour qu’on vienne lui réajuster sa barbe et qu’il puisse se contempler dans un miroir.
Le metteur en scène est un petit gros barbu genre Luc Besson indien qui sait ce qu’il veut et traite les figurants comme du bétail en s’agitant dans tous les sens.
A 22 heures je quitte la fourmilière, un billet de 500 roupies en main, le plus petit cachet jamais touché pour 14 heures de dur labeur.
Isa et les petites sont venues m’assister à deux reprises et ont pu profiter de cette expérience en jouant avec les accessoires des soldats de l’Empire.
Le film, à gros budget paraît-il, sortira le 15 août, jour de l’Indépendance, dans toutes les salles indiennes. J’ai hâte…
Greg
Bravo encore une fois pour les descriptions très colorées.
Tu vois GREG, le pédiatre avait dit que tu étais fait pour les planches : il t'avait surnommé "noces et banquets", la prédiction s'est réalisée, mais qui aurait pu prévoir que ce serait en INDE ?
J'attends la suite avec impatience......
Rédigé par : LESTEVEN PATRICIA | 23 avril 2007 à 11:28
J'oubliais: avec chaque article, ca serait sympa de nous donner le kilométrage parcouru.
Rédigé par : olivier | 22 avril 2007 à 16:46
Génial Greg acteur !
Après l'expérience de top model pour agence de pub, belle promotion !
Si vous passez au Gujarat, cette superbe region d'Inde ou quasiment tout est interdit, il y a un Corum, vérifiez les bending ;))
Rédigé par : olivier | 22 avril 2007 à 16:42