Darwin, Adélaïde : c’est tout droit.
Pas de risque de se tromper, il n’y a qu’une seule route, la Stuart Highway, et elle est toute droite et plate comme la main pendant 4 000 km. Et c’est toujours la même chose, le bush, le bush et encore le bush.
Nous avons préalablement encerclé sur notre carte routière, les centres d’intérêt à ne pas manquer (on ne peut pas les rater, il n’y en a que 3 en tout et pour tout !) et surtout les road houses ou stations essence pour se ravitailler. Elles sont espacées parfois de plus de 250 km les unes des autres et sont posées au milieu de nulle part, de temps en temps accompagnées d’un petit camping miteux et d’une ou deux maisons. Le désespoir complet. C’est le genre d’endroit à filer le bourdon à quiconque y tomberait en panne.
Et bien pourtant, on est bien content d’y arriver à ces road-houses après 3 heures de route où il ne se passe strictement rien, pas un virage, pas un seul divertissement. L’ennui nous gagne et nous coupe même l’envie de discuter. Eve s’endort lassée d’admirer ce paysage soporifique. Les filles se plongent passionnément pour la nième fois dans le DVD des « Indestructibles ». Trois heures de silence total.
On finit par l’attendre la road-house avec ses cornets de glaces et ses boissons fraîches ! Et surtout, on refait à chaque fois le plein pour être sur de ne pas manquer d’essence au milieu du désert, on vérifie encore la pression des pneus, on rachète deux bouteilles d’eau supplémentaires. Pourvu qu’on arrive au bout sans encombre !
Une semaine plus tard, nous y voilà enfin au « sud ». Subitement le désert laisse place à une végétation verdoyante. C’est la campagne anglaise avec sa petite bruine et sa température de printemps de 18°. Le bonheur ! On sort les couettes et les manteaux, les nuits sont fraîches.
Le paysage est accueillant et vallonné. L’herbe est grasse, bien verte et les champs sont parsemés de vaches, de moutons et de chèvres. Plus une trace de poussière rouge.
Pour la première fois depuis notre arrivée en Australie, nous avons l’impression d’être dans un autre pays.
La petite ville d’Adélaïde nous séduit tout de suite. Elle est, comme Perth, à taille humaine avec des magasins bien achalandés, de bons restaurants et des activités culturelles mais sans les embouteillages ni la pollution. Comme toujours tout est propre et bien organisé. Une très agréable piste cyclable longe la rivière et nous emmène en centre ville depuis notre camping. Ce sera notre unique moyen de locomotion pendant les 10 jours où nous resterons dans cette ville.
L’architecture, elle aussi a changée. Les maisons récentes sans charme ni caractère de l’Australie-Occidentale et du Territoire du Nord ont laissé place à une architecture coloniale solide en pierre et bois. Les banlieues paisibles sont charmantes et de temps en temps, on découvre quelques belles maisons contemporaines qui laissent présager de l’architecture délirante de Sydney.
Nous sautons sur les musées tant nous en avons été sevrés depuis longtemps. Nous faisons du lèche-vitrine à la recherche de nouveaux vêtements pour les filles qui ont terriblement grandi. Nous flânons dans les rues et profitons de toutes les facilités que nous offre la ville. C’est bon d’être à nouveau des citadins.
Nous faisons la connaissance de Stéphanie et de Ian, un couple franco-australien avec deux enfants qui nous reçoit à bras ouverts et nous couvre de cadeaux et de gentilles attentions.
Nous sommes attendus à Melbourne, mi-novembre dans un mois, quelques 1 000 km plus bas, pour remplir les papiers de notre prolongement de visa. Nous avons, en effet, l’intention de rester en Australie jusqu’au mois d’avril, le temps de remonter le long de la côte Est jusqu’à la Grande Barrière de Corail et de visiter la région tropicale du Queensland. Puis nous partirons deux mois en Nouvelle-Zélande où nous louerons sur place un camping-car tant les prix pour envoyer le notre par bateau sont exorbitants.
Nous quittons Adélaïde et retrouvons avec joie l’Océan Indien. Nous longeons la côte qui ressemble ici à s’y méprendre à la Bretagne, en beaucoup plus grand. Toutes les distances sont exponentielles. Nous sillonnons des kilomètres de dunes pour atteindre la mer, nous parcourons des plages désertes dont on ne voit pas le bout à la recherche de coquillages incroyables et ne croisons jamais âme qui vive. Sans les quelques rares déchets ramenés par la mer, on se croirait les seuls habitants de cette partie du monde. Les mouches ont laissé place à des milliers de petits vers noirs qui grouillent partout dans les chemins de sable et d’herbe. Impossible de marcher pieds nus tellement ils sont nombreux et repoussants. Ah, l’Australie et sa faune sauvage !
Dans le parc naturel du Coorong, le long de la « Limestone Coast », nous improvisons une petite partie de pétanque avec des boules d’algues façonnées par la mer.
Un peu plus loin sur la plage, nous tombons nez à nez avec notre premier lion de mer qui se repose au soleil et nous accueille avec des grognements lui valant bien son nom. Robe et Beachport sont des petites bourgades charmantes délaissées à cette saison par les touristes où Margot et Marie seront invitées une matinée à l’école communale pour parler de leur voyage.
Les petits écoliers australiens ont un rythme scolaire beaucoup plus cool que les nôtres. Le programme est beaucoup moins rigide, laisse plus de place au sport et aux activités extrascolaires. Surtout, il est très fréquent de voir des familles partir en caravane pendant quelques mois, voire une année entière, à la découverte de leur pays. Les enfants ne sont pas ou très peu scolarisés pendant cette période, les enseignants demandant seulement à leurs élèves de tenir un journal de bord relatant leurs voyages et leurs rencontres estimant à juste titre que cette expérience sera tout aussi, sinon plus, enrichissante que les connaissantes théoriques apprises dans les livres. À quand cette souplesse en France ?
Le temps est assez changeant. De très belles journées ensoleillées sont balayées subitement par des averses et des tempêtes violentes. Quoi de plus agréable que de se pelotonner sous la couette avec un bon livre quand la caravane résonne et se balance sous le vent et que la pluie tambourine sur la carrosserie du camion ? Nous nous régalons à la lecture du livre « Cul de sac » de Douglas Kennedy relatant les tribulations d’un jeune Américain dans l’outback australien et nous nous promettons de ne jamais prendre un autochtone en stop ! Je découvre les livres passionnants d’Harold Robbins au milieu de piles de romans à l’eau de rose dans les buanderies des campings où nous nous arrêtons qui servent de lieu d’échange entre lecteurs passionnés ne se rencontrant jamais.
Les averses se transforment bientôt en véritable tempête. Des trombes d’eau tombent pendant plusieurs jours. Nous découvrons avec horreur que la caravane fuit ! Les filles dorment au milieu des bassines. Et de nouveau, nous nous posons l’éternelle question « La caravane tiendra t-elle jusqu’à la fin de notre voyage ? ». Il faut dire que nous en demandons beaucoup à cette vieille grand-mère de 40 ans, un âge cacochyme pour une caravane. Nous la rafistolons pourtant régulièrement mais sa bulle de bois souffre des intempéries et des mauvaises routes.
Alors que nous passons devant un weight bridge, nous sommes consternés d’apprendre que notre équipage, camion et caravane, pèse presque 5 tonnes et que la caravane seule atteint les 900 kg ! Il va falloir se délester de tout ce qui n’est pas indispensable.
Autour de nous, les champs sont inondés, les vaches pataugent dans 30 cm d’eau, les voitures font de l’aquaplaning sur les routes.
Nous décidons d’aller camper dans une forêt d’eucalyptus près de la petite ville balnéaire de Portland. Des arbres déracinés jonchent les chemins et nous barrent la route. Armés de notre scie, nous mettons deux heures à nous frayer un chemin et Greg, voulant contourner un nouvel arbre s’enlise dans le fossé. La boue monte jusqu’aux portières du camion. Plus nous essayons de sortir, plus nous nous enfonçons, nos 5 tonnes et nos réservoirs pleins d’eau nous faisant dangereusement pencher d’un côté.
Finalement, nous appelons un paysan à l’aide avec son tracteur et nous reprenons, tous penauds, la route à la nuit tombée.
Nous sommes maintenant dans l’état de Victoria, près de Melbourne et allons prendre la fameuse « Great Ocean Road » qui longe la mer. Nous changeons de nouveau d’heure et maintenant un décalage horaire de 10 h nous sépare de la France.
Isa
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