Nous arrivons au milieu de la nuit à
l’aéroport de Bangkok en Thaïlande après de nombreuses heures de vol
éprouvantes. Un grand panneau nous accueille « Bienvenue au pays du
sourire ». Vu la tête peu sympathique de l’agent des douanes, ça promet.
Nous étions déjà venus en Thaïlande il y a 14
ans et en avions gardé une impression mitigée après nous êtes faits arnaquer de
quelques milliers de francs en voulant acheter des saphirs. Nous sommes donc
sur nos gardes.
Pourtant, nous nous rendons compte rapidement
que ce genre d’hôtel est un miroir aux alouettes où tout est confortable et
facile. Trop confortable car en deux jours, nous avons à peine mis le pied
dehors, préférant nous baigner ou regarder la télé. De plus, l’ambiance du
quartier ne nous plait pas, nous sommes choqués par le nombre de prostitués qui
sont maintenant partout alors qu’il y a encore 14 ans, elles étaient surtout
concentrées dans le quartier chaud de Patpong. Dans la rue, les DVD pornos sont
étalés sous les yeux des filles. Les immeubles modernes, tout en béton, sont
sans âme.
Nous trouvons donc une charmante guest-house
propre mais rudimentaire à Banglamphu, centre historique de la ville, pas loin
de la fameuse Khao San road des backpackers. Un ventilateur a remplacé l’air
conditionné, il n’y a plus d’eau chaude ni de télévision. Nous payons 12 euros
pour deux chambres séparées alors que notre chambre au Bel Air Princess nous en
coûtait 80. Immédiatement, nous prenons contact avec la rue, ses petits
bouis-bouis, ses marchands ambulants, ses commerces ouverts toute la nuit et
ses maisons traditionnelles tout en bois. Et surtout, nous faisons des
rencontres : une famille belge, un couple de français en prenant le
petit-déjeuner dans le jardin de la pension,. Ça nous change de la
Nouvelle-Zélande où nous avons été assez isolés pendant deux mois.
Nous sommes aussi étonnés par le nombre de
travestis. Ici, un changement de sexe ne coûte que 320 euros et il est très
facile de se tromper. L’astuce consiste à regarder la taille des pieds et la
pomme d’Adam. Les travestis comme « les femmes qui ont faim »
c’est-à-dire les prostituées semblent être plutôt bien acceptés par la
population qui ne semble pas juger.
Nous visitons à vélo la ville ancienne de
Ayutthaya près de Bangkok, qui est restée de longs siècles la capitale de la
Thaïlande avant d’être mise à sac par les Birmans. Nous sommes à la saison des
pluies mais les averses ne sont pas quotidiennes et ne durent pas longtemps. Le
ciel reste cependant voilé une bonne partie de la journée. Les balades sont agréables.
Nous errons parmi les ruines de briques rouges et il est assez difficile de se
faire une idée de la magnificence de la cité qui avait attiré les premiers
européens Portugais à sa cour au 17ème siècle. Les filles apprécient beaucoup
la balade à vélo que nous partageons avec nos amis belges et français.
La partie moderne de Bangkok vaut elle aussi
une petite visite. C’est là que nous réalisons que la Thaïlande fait bien
partie des« dragons » du sud-est asiatique. Les hôtels de luxe se
disputent les « farangs » (les étrangers), les immeubles ressemblent
à ceux de la Défense et les centres commerciaux rivalisent de modernité et
accueillent toutes les grandes marques internationales. On retrouve le luxe des
Emirats en beaucoup plus grand.
Comme Eve est en retard pour sa vaccination,
je me rends de bon matin avec elle à l’hôpital de Burumgrad, un peu réticente
de faire vacciner ma fille dans un pays en voie de développement.
Le taxi me dépose devant un immeuble immense
avec une entrée monumentale que je prends d’abord pour un hôtel 5 étoiles.
Colonnes en marbres, mobilier contemporain, café Starbuck dans un coin et
boutiques de luxe, je n’en reviens pas. Après confirmation que je suis au bon
endroit, j’emprunte un des nombreux ascenseurs qui me dépose en pédiatrie au 4ème
étage.
Les couloirs sont d’une propreté immaculée, on
pourrait manger par terre et de grandes vitres laissent voir des laboratoires
ultramodernes suréquipés.
Le « village des enfants » permet de
faire patienter nos chers bambins en offrant toboggans, agrès, ordinateurs
éducatifs et bien sûr dessins animés sur écran géant le tout supervisé par 2 ou
3 assistantes maternelles entièrement dévouées. Eve est déjà prise en main et
commence à dessiner. Je remplis les formulaires et m’assois. Bientôt, une jeune
infirmière parlant parfaitement anglais vient s’excuser en me prévenant que je
vais devoir attendre le médecin qui a 10 minutes de retard (alors que je n’ai
même pas de rendez-vous !) et me prie de bien vouloir accepter quelques
rafraîchissements. Je crois rêver, pas de secrétaire revêche qui vous répond
sans vous regarder, pas d’attente de plusieurs heures sur une pauvre chaise
inconfortable avec pour patienter 2 ou 3 jouets en plastique datant des années
70 ou quelques vieux magasines déchirés.
Le médecin, tout à fait compétent, connais
tous les vaccins par cœur, une infirmière experte pique les fesses de ma fille
en moins de temps qu’il le faut pour le dire et c’est fini. C’est cher mais pas
plus qu’en France où maintenant la majorité des vaccins ne sont pas remboursés.
En sortant, nous remplissons un questionnaire de satisfaction long comme le
bras où je coche systématiquement la case « excellent » à chaque fois
et pour nous remercier de notre peine, Eve se voit offrir une sublime trousse à
pharmacie remplie de tous les médicaments de première nécessité imaginable.
Le sélect hôpital Américain de
Neuilly-sur-Seine peut aller se rhabiller !
Comme d’habitude, nous n’avons pas lu le
guide, nous n’avons rien préparé et ne savons pas dans quelle pension aller.
Notre bonne étoile nous sourit de nouveau et nous faisons la connaissance d’une
famille hollandaise avec deux enfants de 7 et 5 ans, habitués des lieux qui
nous propose de venir dans leur guest-house. Elle s’avère être un bon choix car
assez reculée au sud de l’île, loin des touristes. Nous louons deux paillotes
sur pilotis face à la mer avec une petite plage privative. L’atmosphère
familiale est agréable, la nourriture très correcte. Les filles font de la
plongée avec palmes et tuba et jouent avec leurs amis pendant que nous sirotons
des jus de fruits à la terrasse du restaurant. Nous louons des kayaks de mer et
Marie apprend à jouer aux échecs avec son père. Tout se passe bien et nous nous
reposons jusqu’au moment où Margot se coupe profondément la cheville sur du
corail ce qui la force à avoir deux points de suture. Ce sera le seul petit
point noir à ce tableau idyllique.
Nous retournons à Bangkok rejoindre Axel,
Véronique et leurs deux enfants, nos amis français vivants actuellement à
Singapour qui sont venus nous rendre visite pour une semaine.
Ensemble nous reprenons nos visites de
temples, séances de massages, découvertes de petits restaurants typiques,
visites de musées… Les enfants s’entendent bien.
Nous apprécions spécialement la visite du
marché aux fleurs ainsi que la cité
ancienne de Muang Boran au sud de Bangkok, immense parc de plusieurs hectares que
nous visitons à vélo et qui est un condensé de toute l’architecture de la
Thaïlande (temples, ponts, maisons villageoises, … ) sauvegardée au siècle
dernier par un riche collectionneur chinois amoureux du pays. Le parc à la
forme de la Thaïlande et chaque région est représentée par une reproduction en
plus petit ou l’original d’un temple.
Le marché flottant où nous déjeunons est
particulièrement intéressant pour nous, même s’il est factice car l’ambiance y
est agréable et nous permet de découvrir cette tradition alors que nous avons
fui les vrais marchés flottants de Bangkok qui, paraît-il, ont perdu leur
authenticité depuis de nombreuses décennies et regorgent de touristes et de
jonques remplies de fleurs en plastique.
La semaine est passée trop rapidement, nos
amis rentrent à Singapour et nous ne savons pas quand ni sur quel continent
nous nous reverrons la prochaine fois.
Le fameux « night market » nous
déçoit un peu, à moins que nous commencions à nous lasser de l’artisanat
thaïlandais.
Nous partons faire des excursions à la
journée. Le village des éléphants est certes très touristique mais bien
organisé et nous passons une agréable journée entre balade à dos d’éléphants,
rafting sur une petite rivière boueuse et découverte du village des femmes
girafes.
Le spectacle des éléphants est particulièrement intéressant car les
cornacs ont appris en deux mois aux éléphants à se dessiner eux- mêmes avec de
la peinture et un pinceau qu’ils tiennent très précautionneusement avec leur
trompe. La ressemblance est frappante et leur patience légendaire. Nous sommes
tellement impressionnés qu’on achète une de leurs œuvres.
Par contre, la visite aux femmes girafes de la
tribu des Karens nous fait beaucoup de peine. Ces tribus birmanes chassées de
leur pays arrivent dans le nord de la Thaïlande pour chercher refuge et
protection. Le gouvernement thaï les accueille et leur offre un visa de 5 ans
renouvelable à la condition de les parquer dans des « zoos humains »
où défilent les touristes à longueur de journée. Nous arrivons dans un village
tout neuf, trop propre et trop bien organisé pour être authentique, où une
dizaine de petites échoppes sont alignées et tenues par les fameuses femmes
girafes, en tenue traditionnelle arborant leurs somptueux colliers, tissant des
soieries sur leur métier à tisser. Nous sommes choqués par la tristesse qui se
dégage de ses visages impassibles qui n’expriment aucun sentiment à part celui
de la soumission. Même les enfants ne jouent pas et il faudra toute la patience
et une bonne dose de pitreries de la part de Greg pour les faire sourire.
La venue des touristes, qui font partie
intégrante de l’économie du pays, n’est pas spécialement choquante en soi
spécialement en Thaïlande, pays touristique par définition visité en long, en
large et en travers par les étrangers à longueur d’année. Ce qui choque c’est
de savoir que ces ethnies n’ont aucun statut ici en Thaïlande, que les enfants
ne vont pas à l’école et n’apprennent donc pas le thaï et encore moins
l’anglais, qu’ils vivent reclus, sans contact avec la population locale car ils
n’ont pas le droit de sortir du camp et qu’ils peuvent être ramenés à la
frontière la plus proche à n’importe quel moment. Néanmoins, ils reçoivent un salaire mensuel de
la part du gouvernement et profitent de la vente des soieries qu’ils tissent.
C’est peut-être toujours mieux que de se faire tuer dans la jungle birmane…
Un autre jour, nous visitons les fabriques
locales d’ombrelles, de bois sculpté, de bijoux en argent. Les filles sont
sensibilisées aux différentes techniques grâce à des petites démonstrations
intéressantes, mais nous prenons soin de ne rien acheter dans ces
« attrape touristes » aux prix exorbitants.
Pour finir, nous visitons la réserve de
tigres. Les bêtes sont splendides, en pleine santé et les filles ont droit à un
quart d’heure, chronométré, pour aller jouer avec les bébés de deux mois qui se
reposent dans une cage un peu plus loin. Elles doivent d’abord essayer de les
réveiller car ces animaux, dans leur habitat naturel, ont plutôt tendance à
dormir le jour et à chasser la nuit puis peuvent les caresser, les cajoler, les
prendre dans les bras. Elles sont impressionnées, mais déçues de ne pas pouvoir
passer plus de temps avec eux et heureuses.
Isa
Bonjour,
Votre blog est vraiment très passionnant. Nous partons le 1er septembre et vous avez traversés des pays que nous allons parcourir durant notre année sabbatique. Vos photos sont très belles et vos commentaires se lisent comme des romans.
Bonne continuation.
Isabelle
Rédigé par : Isabelle Houard | 15 août 2008 à 13:22